PAUL VALÉRY: Palma (Bilingüe)

A Jeannue

De su gracia temible,
velando apenas el brillo,
un ángel pone sobre mi mesa
el pan tierno, la leche simple;
me hace con los párpados
el signo de una plegaria
que habla a mi visión:
- ¡Calmate, calmate, mantené la calma!
¡Conocé el peso de una palma
portando su profusión!

Por mucho que ella se pliegue
en la abundancia de bienes,
su figura está completa,
sus frutos espesos son lazos.
Observá cómo vibra
y cómo una lenta fibra
que divide el momento
¡desempata sin misterio
la atracción de la tierra
y el peso del firmamento!

Este bello árbitro en movimiento
entre la sombra y el sol
finge tener de sibila
la prudencia y el sueño.
Alrededor de un mismo lugar
la gran palma no deja
de llamar y despedirse…
¡Qué noble! ¡Qué tierna!
¡Digna de esperar
sólo la mano de los dioses!


El oro ligero que ella murmura
suena al simple contacto con el aire,
y de una sedosa armadura
carga al alma del desierto.
Una voz imperecedera
que ella devuelve a la tormenta de arena
que la riega con sus granos,
sirve a sí misma de oráculo,
y se vanagloria del milagro
de los apenados que cantan.

Mientras que ella se ignora
entre la arena y el cielo
cada día que brille aún
compone un poco de miel.
Su dulzura es medida
por la duración divina
que no cuenta los días,
sino que los esconde
en un jugo donde se acumula
todo el aroma de los amores.

A veces, si uno desespera,
si el adorable rigor
a pesar de tus lágrimas no actúa
sino bajo sombra de languidez,
no acuses de ser avara
a una Sabia que prepara
tanto oro y autoridad:
¡por la savia solemne
una esperanza eterna
alcanza la madurez!

Estos días que te parecen vacíos
y perdidos por el universo
tienen raíces ávidas
que trabajan los desiertos.
La substancia cabelluda
por las tinieblas elegida
no puede dejar nunca
hasta las entrañas del mundo,
de perseguir el agua profunda
que reclaman las cumbres.

¡Paciencia, paciencia,
paciencia en el azul!
¡Cada átomo de silencio
es la posibilidad de un fruto maduro!
Vendrá la alegre sorpresa;
una paloma, una brisa,
el estremecimiento más dulce,
o una mujer que se apoya,
harán caer esta lluvia
¡donde nos tiramos de rodillas!

Que un pueblo ahora se derrumbe.
¡Palma! …¡irresistiblemente!
¡En el polvo que se revuelca
sobre los frutos del firmamento!
No perdiste esas horas
tan ligera permanecés
después de esos bellos abandonos
semejante al que piensa
¡y cuya alma se consume
por aumentar sus dones!
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PAUL VALÉRY: Palme


À Jeannue.

De sa grâce redoutable
Voilant à peine l’éclat,
Un ange met sur ma table
Le pain tendre, le lait plat;
Il me fait de la paupière
Le signe d’une prière
Qui parle à ma vision:
-Calme, calme, reste calme!
Connais le poids d’une palme
Portant sa pr ofusion!

Pour autant qu’elle se plie
À l’abondance des biens,
Sa figure est accomplie,
Ses fruits lourds sont ses liens.
Admire comme elle vibre,
Et comme une lente fibre
Qui divise le moment,
Départage sans mystère
L’attirance de la terre
Et le poids du firmament!

Ce bel arbitre mobile
Entre l’ombre et le soleil,
Simule d’une sibylle
La sagesse et le sommeil.
Autour d’une même place
L’ample palme ne se lasse
Des appels ni des adieux…
Qu’elle est noble, qu’elle est tendre!
Qu’elle est digne de s’attendre
À la seule main des dieux!

L’or léger qu’elle murmure
Sonne au simple doigt de l’air,
Et d’une soyeuse armure
Charge l’âme du désert.
Une voix impérissable
Qu’elle rend au vent de sable
Qui l’arrose de ses grains,
À soi-même sert d’oracle,
Et se flatte du miracle
Que se chantent les chagrins.

Cependant qu’elle s’ignore
Entre le sable et le ciel,
Chaque jour qui luit encore
Lui compose un peu de miel.
Sa douceur est mesurée
Par la divine durée
Qui ne compte pas les jours,
Mais bien qui les dissimule
Dans un suc où s’accumule
Tout l’arôme des amours.

Parfois si l’on désespère,
Si l’adorable rigueur
Malgré tes larmes n’opère
Que sous ombre de langueur,
N’accuse pas d’être avare
Une Sage qui prépare
Tant d’or et d’autorité:
Par la sève solennelle
Une espérance éternelle
Monte à la maturité!

Ces jours qui te semblent vides
Et perdus pour l’univers
Ont des racines avides
Qui travaillent les déserts.
La substance chevelue
Par les ténèbres élue
Ne peut s’arrêter jamais
Jusqu’aux entrailles du monde,
De poursuivre l’eau profonde
Que demandent les sommets.

Patience, patience,
Patience dans l’azur!
Chaque atome de silence
Est la chance d’un fruit mûr!
Viendra l’heureuse surprise:
Une colombe, la brise,
L’ébranlement le plus doux,
Une femme qui s’appuie,
Feront tomber cette pluie
Où l’on se jette à genoux!

Qu’un peuple à présent s’écroule,
Palme!… irrésistiblement!
Dans la poudre qu’il se roule
Sur les fruits du firmament!
Tu n’as pas perdu ces heures
Si légère tu demeures
Après ces beaux abandons;
Pareille à celui qui pense
Et dont l’âme se dépense
À s’accroître de ses dons!

TRADUCCIÓN: Juan M. Dardón